La notion de Chémotype en aromathérapie

La notion de Chémotype dans l'aromathérapie

« En ce qui concerne l’aromathérapie, nul n’ignore qu’à l’instar des crus de vins, il existe des crus d’essences (lavande de Provence, cannelle de Ceylan, verveine des Indes, thym de la Réunion…) et à l’intérieur de chaque espèce, des types chimiques (chémotypes) caractérisés par la prédominance plus ou moins marquée d’un ou plusieurs constituants. »

Dr Jean Valnet – PHYTOTHERAPIE (1972)


Chémotype : définition

Pour une même espèce végétale (botaniquement définie par le nom latin) et un même organe producteur (feuille, sommité fleurie, etc.), il peut exister au sein de l’huile essentielle produite plusieurs profils chimiques différents nommés chémotypes (ou chimiotypes). Ceux-ci distinguent le ou les composés majoritaires de l’huile essentielle. 

La plupart du temps, la variabilité chimique des plantes s’exprime quantitativement plutôt que qualitativement. C’est-à-dire que les huiles essentielles d’une même espèce renferment les mêmes composés mais en quantité significativement différente. 

Dénomination des chémotypes

Par convention, la mention du chémotype apparaît juste après le nom latin de la plante, en indiquant la (ou les) molécules retenues, en français, précédé de l’abréviation CT (pour chémotype), ou en latin.

Par exemple : 

  • HE de Rosmarinus officinalis CT 1,8 cinéole ou Rosmarinus officinalis cineoliferum
  • HE de Rosmarinus officinalis CT verbénone ou Rosmarinus officinalis verbenoniferum

Histoire des chémotypes : de la découverte scientifique à la reconnaissance

La variabilité chimique d’une même espèce de plante a été pressentie puis établie scientifiquement dès le début des années 1960, grâce aux travaux du Professeur Granger et ses équipes au sein de la faculté de Montpellier1. Ces recherches, suivies avec grand intérêt par le docteur Valnet, ont ouvert la voie à d’autres études et contribué ainsi à une meilleure reconnaissance des huiles essentielles commercialisées, avec notamment l’introduction du qualificatif « constituant chimique principal » dans la norme AFNOR de 1975, avant que l’Union Européenne officialise le terme chemotype (anglais) en 2006.

La variabilité chimique des plantes : une notion fondamentale en aromathérapie

Les composés actifs synthétisés par une plante sont déterminés génétiquement mais également écologiquement. Il en est de même pour l’équipement enzymatique de la plante. Cela explique pourquoi, la composition chimique d’une même plante varie naturellement et dépend de multiples facteurs aussi bien environnementaux (pays, altitude, qualité du sol, conditions climatiques, saison, ensoleillement, hygrométrie, température, pratique culturale bio ou conventionnelle, etc.) que liés au stade de développement du végétal, ce qui sous-entend le rôle crucial du moment de la récolte.

La détermination exacte de la composition qualitative et quantitative des huiles essentielles est effectuée et contrôlée à l’aide d’une technique analytique spécialisée : la chromatographie capillaire en phase gazeuse couplée à la détection par ionisation de flamme. Cette méthode permet d’obtenir le profil biochimique complet d’une huile essentielle, autrement dit, sa carte d’identité. Précisons également que ce dernier dépend aussi de la qualité du mode d’extraction des huiles essentielles, c’est-à-dire du savoir-faire de l’artisan distillateur.

Or, une grande variation chimique dans la composition des huiles essentielles sera potentiellement responsable d’une modulation de leurs propriétés pharmacologiques au sein de l’organisme. La connaissance précise du chémotype s’avère donc précieuse pour maîtriser l’usage des huiles essentielles en aromathérapie. 

L’exemple du thym dans les huiles essentielles 

Le thym est la plante emblématique utilisée dans les premiers travaux à l’origine de la notion de chémotype. Selon les conditions environnementales et l’endroit où il pousse, les sommités fleuries du thym vulgaire, Thymus vulgaris L2. fournissent plusieurs huiles essentielles de chémotypes dont trois sont les plus employés :

  • Le thym à thymol est présent sur presque toute l’aire de répartition de l’espèce, sur sol ou humide. La présence majoritaire de thymol, appartenant à la famille chimique des phénols confère à l’huile essentielle des propriétés anti-infectieuses puissantes. En contrepartie, cette molécule transmet à l’huile essentielle un risque de toxicité hépatique (en cas d’emploi à haute dose ou sur une longue durée) et une agressivité cutanée (dermocausticité). Cette huile essentielle sera exclusivement réservée à l’adulte.
  • Le thym à linalol est également répandu, surtout en moyenne altitude dans des zones relativement humides. Le linalol appartient à la famille des monoterpénols aux propriétés  également anti-infectieuses, version un peu moins forte. Ce thym sera donc tout particulièrement conseillé chez les enfants ou les personnes fragiles.
  • Le thym à thujanol, plus discret, n’a pas de répartition géographique bien identifiée. Cette huile essentielle est caractérisée par sa richesse en monoterpénols : thuyanol mais aussi, terpinèn-4-ol, myrcène-8-ol et linalol. Cette spécificité permet d’apprécier les qualités anti-infectieuses de l’huile essentielle qui est parallèlement dénuée d’agressivité et réputée comme régénérateur hépatique et stimulant circulatoire.  

Cet exemple illustre l’alternative possible d’un chémotype par rapport à un autre3. En effet, les trois huiles essentielles manifestent des propriétés anti-infectieuses communes mais d’intensité spécifique. Dès lors, selon l’effet thérapeutique recherché et fonction de la personne à qui le traitement est destiné, le choix se portera sur l’une ou l’autre de ces trois huiles essentielles. Le chémotype conditionnera également la posologie et la voie d’utilisation de l’huile essentielle. Dans le cas présent, l’huile essentielle à thymol, très agressive est contre-indiquée chez l’enfant et déconseillée en diffusion ou par voie cutanée.

Atouts et limites de l’intérêt porté aux chémotypes 4

Le chémotype participe indéniablement à une meilleure connaissance des huiles essentielles. Toutefois, si son intérêt est parfaitement légitime, notamment lorsque celui-ci correspond au composé majoritaire présent en très forte proportion et donc, source d’un effet intense, il engendre ses propres limites et n’assure pas, à lui seul, la garantie d’une certification qualitative pour l’huile essentielle

Chaque huile essentielle dispose de plusieurs centaines de composants qui, en entrant en synergie les uns avec les autres, engendrent la totalité de l’efficacité de l’huile essentielle. De nombreux travaux l’ont attesté et il est donc illusoire de limiter les propriétés de l’huile essentielle à celles de ses composants majoritaires5. Cette désignation occulte les variations que peuvent subir les autres composés, qui même minoritaires sur le plan pondéral, participent efficacement à l’activité de l’huile essentielle. 

Les faits expérimentaux confirment la nécessité d’une compréhension intégrative de l’activité des huiles essentielles. Par exemple, les huiles essentielles complètes ont toujours une efficacité bactéricide supérieure à celle de chacun des principes antiseptiques pris isolément. Certaines huiles essentielles, pourtant peu pourvues en composés reconnus comme antiseptiques, peuvent manifester in vivo une véritable activité antimicrobienne. De même, malgré une large variation dans le pourcentage d’un principe actif au sein d’une huile essentielle, l’effet reste identique.  

Comme l’avait rappelé en son temps le docteur Valnet, et pour revenir sur l’exemple du thym : « Jusqu’à preuve du contraire, au-delà de ses chémotypes, un thym reste un thym…Aux doses habituellement préconisées, et pour des temps mesurés, Thymus vulgaris remplira parfaitement son office, comme il le fait depuis des siècles. À la seule condition, toujours la même, que la plante ou son huile essentielle soit pure, naturelle, de qualité »6

C’est donc la conjonction de l’appréciation du chémotype d’une huile essentielle et l’étude attentive de l’ensemble de ses propriétés qui permet son emploi éclairé et sécuritaire en toutes circonstances.

  1. Granger R, Passet J, Verdier R. La France et ses parfums, 1963, 7, 226. ↩︎
  2. Passet J. Thymus vulgaris L., Chémotaxonomie et biogénèse monoterpénique, Université de Montpellier, Faculté de pharmacie et institut de pharmacie industrielle, thèse de doctorat, 452, 1971. ↩︎
  3. Deschepper R. Variabilité de la composition des huiles essentielles et intérêt de la notion de chémotype en aromathérapie, Thèse de doctorat en pharmacie, Faculté de pharmacie, Aix-Marseille Université, 2017. ↩︎
  4. Durraffourd C, Lapraz J-C. Traité de phytothérapie clinique, éditions Masson, 2002, 115-141. ↩︎
  5. Jouault S. La qualité des huiles essentielles et son influence sur leur efficacité et leur toxicité, Thèse de doctorat, Université de Lorraine, 2012. ↩︎
  6. Dr. J. Valnet. Phytothérapie, 6e édition, Vigot, 98-90. ↩︎

Auteur

La notion de Chémotype en aromathérapie

Christine Cieur

Christine Cieur est docteur en pharmacie, ancienne titulaire d’officine. Elle s’est spécialisée en phyto-aromathérapie intégrative afin d’orienter son exercice sur les différentes alternatives médicales : herboristerie, phytothérapie, gemmothérapie, oligothérapie et bien sûr l’aromathérapie.

La notion de Chémotype en aromathérapie

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